Le jeudi était un jour de grande toilette, et ma mère prenait ces choses-là très au sérieux.

Je commençais par m’habiller des pieds à la tête, puis je fis semblant de me laver à grande eau: c’est-à-dire que vingt ans avant les bruiteurs de la radiodiffusion, je composai la symphonie des bruits qui suggèrent une toilette.

J’ouvris d’abord le robinet du lavabo, et je le mis adroitement dans une certaine position qui faisait ronfler les tuyaux: ainsi mes parents seraient informés du début de l’opération.

Pendant que le jet d’eau bouillonnait bruyamment dans la cuvette, je regardais, à bonne distance.

Au bout de quatre ou cinq minutes, je tournai brusquement le robinet, qui publia sa fermeture en faisant, d’un coup de bélier, trembler la cloison.

J’attendis un moment, que j’employai à me coiffer. Alors je fis sonner sur le carreau le petit tub de tôle et je rouvris le robinet mais lentement, à très petits coups. Il siffla, miaula et reprit le ronflement saccadé. Je le laissai couler une bonne minute, le temps de lire une page des Pieds Nickelés. Au moment même où Croquignol, après un croche-pied à l’agent de police, prenait la fuite au-dessu de la mention “A suivre”, je le refermai brusquement.

Mon succès fut complet, car j’obtins une double détonation, qui fit onduler le tuyau. Encore un choc sur la tôle du tub et j’eus terminé, dans le délai prescrit, une toilette plausible, sans avoir touché une goutte d’eau.

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